C’est quoi la thérapie psychédélique ? (Question Psy #14)
Les psychédéliques n’ont pas une bonne réputation.
Associé généralement aux hippies, aux drogues, aux soirées arrosées, au bad-trip, au darkweb et aux éléphants roses, ils sonnent comme un danger dont il faut s’éloigner. Mais est-ce la substance en elle-même le problème ou le cadre dans lequel elle est prise ? Ces dernières années, avec la légalisation croissante de certaines substances (cannabis, micro-dosage de LSD, …), la thérapie psychédélique a connu un regain de popularité dans certains états des Etats-Unis. Encore interdite en France, ces thérapies peuvent pourtant avoir de réels bénéfices sur la santé mentale des patients.
🍄 ALORS LA THERAPIE PSYCHEDELIQUE, C’EST QUOI ?
C’est un type de psychothérapie utilisant des plantes et des composés pouvant induire des hallucinations pour traiter certains troubles mentaux, tels que la dépression ou le syndrome de stress post-traumatique (SSPT). A première vue, il pourrait sembler contradictoire de chercher à induire des hallucinations chez des gens ayant ce type de problématique. Cependant, ce serait oublier que les substances hallucinogènes sont utilisées à ces fins depuis des milliers d’années par les communautés indigènes dans un cadre spirituel et/ou thérapeutique. Pour simplifier le processus, c’est la guérison par la transe : on donne le contrôle à l’inconscient et au corps afin qu’ils régulent les problématiques de la pensée. Tandis que les médicaments destinés à traiter les troubles mentaux mettent du temps à faire effet, possèdent des effets secondaires et sont parfois peu efficace sur le long terme, les chercheurs ont découvert que les psychédéliques peuvent apporter une amélioration sur le long terme (études disponibles ci-dessous).
Comment ? Deux hypothèses. D’abord, de la même façon que de nombreux médicaments contre les troubles mentaux agissent sur les neurotransmetteurs pour modifier le comportement du cerveau (sérotonine, dopamine, …), certaines substances psychédéliques pourraient faire de même. De plus, les hallucinations que la personne éprouve lorsqu’elle prend des psychédéliques pourraient avoir une signification profonde pour elle et modifier son état d’esprit ou ses croyances. En revanche, le fait que la transe semble toujours tendre vers la guérison est encore difficile à comprendre, mais ce principe pourrait résulter de l’homéostasie : la tendance naturelle pour le corps et l’inconscient à tendre vers l’équilibre et à s’auto-réguler.
✨ PROMETTEUR ? CERTES, MAIS PAS SANS DANGER !
Car si la pratique de la transe induite par des psychédéliques existe depuis des millénaires, il convient d’observer attentivement le cadre dans lequel les peuples premiers pratiquent les cérémonies pour éviter les embûches. Exit donc les festivals, les mélanges et les soirées. Les psychédéliques, c’est un peu comme faire une chirurgie à (chakra du) cœur ouvert. Extrêmement dangereux et loin d’être fun ! On ne compte plus le nombre de décès, de bascule dans la psychose ou d’abus de pseudo-chamans durant des cérémonies à l’autre bout du monde.
Quant au fameux « bad-trip », il s’agit souvent d’une part d’ombre mise au jour par le psychédélique, mais non-intégrée par le sujet en raison d’un cadre de pratique trop poreux ou inexistant. Voici une liste non-exhaustive des risques d’une séance mal préparée, mal intégrée, mal accompagnée ou avec des sujets possédant des contre-indications (antécédents psychiatriques, sensibilité psychique, pathologies cardiaques, …) : paranoïa, altération de la perception du temps, distorsion de la réalité et des expériences perceptives, émotions ou perceptions intenses, entendre, voir ou ressentir des choses que l’on ne connaît pas normalement. Selon le National Institute on Drug Abuse (NIDA), ces effets secondaires peuvent être considérés comme un type de psychose induite par la substance, provoquant « une distorsion ou une désorganisation de la capacité d’une personne à reconnaître la réalité, à penser rationnellement ou à communiquer avec les autres ». Ajoutons à cela que certains psychédéliques sont mortels ou toxiques (Mandragore), d’autres (comme la psilocybine) peuvent révéler des troubles mentaux chez des sujets prédisposés. En bref, il y a beaucoup de contre-indications, ainsi qu’un cadre à respecter scrupuleusement pour éviter de réparer des pots cassés sur le long terme.
⚖ Y-A-T-IL UNE DIFFERENCE ENTRE UN PSYCHEDELIQUE ET LES AUTRES DROGUES ?
Bien que les psychédéliques soient considérés comme des drogues, il y a une différence majeure avec toutes les autres : la dépendance. Le tabac, l’alcool, la cocaïne, le crack, héroïne, morphine, GHB, GBL, … provoquent une dépendance progressive ou immédiate. Ce n’est pas le cas des psychédéliques (psilocybine, ayahuasca, peyotl, LSD, …), littéralement en grec ancien : « rendre l’âme visible » qui ne provoquent généralement pas d’accoutumance et sont d’ailleurs décrits comme « difficiles à ingérer », en raison du goût ou de l’odeur. De plus, ces derniers sont utilisés à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques (guérison, transcendance, méditation ou lors de rituels initiatiques) depuis des milliers d’années, ce qui n’est pas le cas des autres drogues précités. L’usage des psychédéliques dans un contexte traditionnel nécessite une préparation psychologique qui s’accompagne de diètes et rituels précis. Même dans ce cadre, toute automédication est déconseillée. Traditionnellement, le psychédélique est perçu comme « sacré » : c’est lui qui va ouvrir les « portes de la perceptions » et enseigner le sujet.
🦠 QUELQUES ETUDES SUR LES EFFETS THERAPEUTIQUES DES PSYCHEDELIQUES ?
-> La psilocybine : principal composé des « champignons magiques », s’est révélée efficace dans le traitement efficace pour l’algie vasculaire de la face, une céphalée extrême (1). Elle se montre également efficace dans le traitement des patients déprimés atteints de cancer en phase terminale (2). Egalement efficace pour traiter la dépression et l’anxiété (3).
(1) Sewell, R. A., Halpern, J. H., & Pope, H. G. (2006). Response of cluster headache to psilocybin and LSD. Neurology, 66(12), 1920-1922.
(2) Griffiths, R. R. (2007). Psychopharmacology of Psilocybin in Cancer Patients – ClinicalTrials. gov Identifier NCT00465595.
(3) Griffiths, R. R., Johnson, M. W., Carducci, M. A., Umbricht, A., Richards, W. A., Richards, B. D., … & Klinedinst, M. A. (2016). Psilocybin produces substantial and sustained decreases in depression and anxiety in patients with life-threatening cancer: A randomized double-blind trial. Journal of psychopharmacology, 30(12), 1181-1197.
-> L’acide lysergique diéthylamide (LSD) : est un psychédélique hallucinogène et psychostimulant. Il s’avère efficace dans le traitement de la dépression (4).
(4) Sergent, S. (2019). Intérêt de la psilocybine, de l’acide lysergique diéthylamide (LSD) et de la diméthyltryptamine (DMT) dans la dépression: une revue de la littérature (Doctoral dissertation, Université Toulouse III-Paul Sabatier).
-> L’ayahuasca : infusion psychoactive à base de plantes originaire d’Amérique du Sud. S’est avérée utile dans le traitement des toxicomanies (5). Il faut toutefois être très prudent avec cette substance, qui provoque également : syndrome sérotoninergique, interactions avec certains médicaments, tachycardie, suées, vomissements, …
(5) Chambon, O. (2021). La Médecine psychédélique-Le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes. Les Arènes.
La liste est loin d’être exhaustive, il existe bien d’autres psychédéliques dont les effets sont actuellement étudiés (peyotl, San Pedro, Salvia divinorium, Mandragore, bufoténine, ibogaïne…)
🤱 COMMENT SE DEROULE UNE THERAPIE ?
Il n’existe pas encore de méthode d’administration standardisée. Pour rappel, cette pratique n’est pas autorisée en France, sauf dans les contextes de tests cliniques bénéficiant d’une autorisation spéciale. Tout thérapeute, « chaman » ou autre guérisseur proposant ces services en dehors de ce contexte est dans l’illégalité et s’expose donc à des conséquences sur le plan juridique et financier.
– Dans un cadre traditionnel :
L’usage des psychédéliques nécessite une préparation psychologique qui s’accompagne de diètes, de purges et de rituels. Ces rites varient beaucoup d’une ethnie à l’autre, mais l’idée générale est de préparer le corps et le mental à vivre un processus de changement significatif. Va s’en suivre un cadre sécure pour vivre la transe, puis un cadre intégratif pour ramener graduellement le sujet dans son quotidien.
– Dans un contexte clinique, les essais avant-gardistes tendent à utiliser un protocole qui se rapproche du cadre traditionnel :
1 – Une première consultation, pour discuter du contexte personnel du patient et pour s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indications à celle-ci. 2 – L’ingestion, dans laquelle une dose faible est administrée sous la surveillance d’un professionnel. 3 – L’intégration, où le patient et le thérapeute travaillent ensemble pour traiter l’expérience psychédélique et intégrer sa signification.
Les recherches existantes et en cours sont très prometteuses, en particulier pour les patients souffrant d’anxiété grave, de toxicomanie, de dépression et d’un syndrome de stress post-traumatique… et peut-être que dans les années à venir, nous verrons la thérapie psychédélique comme une alternative aux options de traitement pharmaceutique conventionnel pour les troubles de la santé mentale ! 💪
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